Riz "américain"
Manuel David Orrio, CPI
LA HAVANE, août (www.cubanet.org) - Bernarda González na
pas attendu de recevoir sa modeste pension de retraitée des
communications pour goûter ce que déjà à La Havane on
appelle le riz "américain". La femme a demandé quon
lui prête dix pesos pour acquérir le produit dans un établissement
détat qui vend à la population en pesos, parce quelle
na pas de dollars pour de telles dépenses dans les dits magasins où
lon paie en devises.
Madame González, dont la retraite de 150 pesos par mois représente
5,76 dollars au change de la rue, a mis environ plus de six pour cent du montant
de la pension quelle recevra en septembre pour obtenir deux livres et
demie de riz venant des Etats-Unis dAmérique. Comme elle, 14 pour
cent de la population cubaine pourrait se sentir inspirée à faire
ce sacrifice.
"Comme dit le refrain à un grand plaisir, un inconvénient'.
Si le mois prochain je me vois encore avec moins de sous que maintenant, au
moins jaurais pu avoir le plaisir dessayer un riz comme il y a de
nombreuses années que je nen ai pas mangé. Il est propre,
blanc, dégréné. Hier jai regardé la télévision
avec une tasse de riz entre les mains, arrosée avec le jus de la moitié
dun citron", a indiqué González.
Le riz "américain" est arrivé à La Havane à
la suite dun échange exceptionnel entre les Etats-Unis dAmérique
et Cuba, deux nations impliquées dans un différend de plus de
quarante ans à cause duquel le gouvernement du premier applique au second
une politique de sanctions économiques unilatérales, étant
donné le caractère dEtat post-totalitaire du second.
Malgré cela, Jean Paul II a qualifié ces sanctions déthiquement
inacceptables, et en même temps cette politique est sévèrement
critiquée par la législature des Etats-Unis, dont les votes récents
dans le but dapprouver lannulation partielle de celles-ci pourraient
recevoir le veto du président George W. Bush.
Tandis quaux Etats-Unis dAmérique a lieu un semblable
conflit entre le législatif et lexécutif, les fermiers américains
producteurs de riz, de mais et autres produits continuent à faire
pression. Dautres intérêts essaient de faire éliminer
les restrictions pour voyager vers lîle ou envoyer de largent
aux familles et amis. Pour sa part, Bush se présente comme fortement
compromis avec le puissant lobby cubain de Floride, favorisant absolument le
maintien et le renforcement des sanctions.
Mais à La Havane, des femmes comme Bernarda González font des
prières pour pouvoir avoir accès de manière plus facile au
riz "américain", tandis que dautres se demandent, et non
sans raison, pourquoi il faut que Cuba importe un produit que la vie a démontré
quil peut être cultivé dans nimporte quel malheureux
jardin du pays.
Selon des chiffres officiels, chaque année les Cubains arrivent à
avoir plus de cent mille tonnes de riz cultivé exactement dans ces
jardins, et de façon indépendante.
Si du côté américain on met en évidence les intérêts
qui font tirer se les cheveux pour savoir quoi faire avec Cuba, du côté
de ce qui fut appelé la Perle des Antilles la difficile situation économique
et le simple désir cubain dun rapprochement avec les Etats-Unis dAmérique
il semble que lon mette sur la table des débats des affaires
internes qui pourraient avoir pris le symbole de riz "américain".
On le voit dans les magasins, dans des sacs où les initiales USA ne font
pas oublier linefficacité scandaleuse de lagriculture
cubaine, prisonnière dune politique économique détat
qui oblige la population à dépenser la moitié du budget de
ses familles pour acheter des aliments, selon les données de lInstitut
National dInvestigations Economiques de Cuba.
Lîle, avant le triomphe de Fidel Castro en 1959, en est arrivée
à importer des Etats Unis dAmérique quelques 250 mille
tonnes de riz par an, pour une population denviron six millions.
Maintenant, avec presque le double dhabitants, et cela étant la céréale
la plus consommée par les humains dans le pays, il ne fait aucun doute
que les fermiers américains ont commencé à se frotter les
mains, puisquils savent bien que, pour le moment, ils naient pas de
concurrence à lintérieur de Cuba.
Pendant ce temps, Bernarda González sest mise daccord
avec plusieurs amies, également à la retraite, pour soffrir
un dîner de riz au poulet. Evidemment, le poulet sera aussi "américain".
Traduction: Genevieve Tejera
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