Shopping Vs. éducation communiste
Tania Quintero, Cuba Press
LA HAVANE, 23 décembre Le souvenir est toujours très vivant chez Inès Maria. Habillée en alphabétisatrice, avec une lanterne à la main, le 22 décembre 1961 pour la première fois dans sa vie elle avait défilé sur la
place de la Révolution. Cétait la culmination dune campagne nationale pour apprendre à lire et à écrire à des milliers danalphabètes disséminés dans toute lîle. Elle même avait été dans
un endroit éloigné de la Sierra Maestra.
Une nouvelle fête du calendrier était née à Cuba: la fête de léducateur. Depuis alors on la célèbre, mais jamais comme à partir de la dépénalisation du dollar en 1993, quand pour faire des cadeaux il faut aller à
un «shopping» pour lacheter, dans la monnaie de lennemi numéro un de Fidel Castro et de sa révolution. Pas en Euros, yens ou livres sterling, mais en dollars. En liquide.
Qui ne peut faire cadeau dune pacotille dun «shopping» est mal vu ! Inès Maria, qui à 17 ans a défilé devant le monument de Marti en chantant lHymne des Alphabétiseurs doit aujourdhui faire un effort surhumain pour pouvoir
faire un cadeau aux instituteurs de ses petits enfants.
Elle navait pas eu ce problème avec ses enfants. Elle était divorcée et travaillait, mais dans les années 70, «lorsque notre monnaie était le peso et le mot «shopping» nétait pas entré dans notre vocabulaire, on donnait
une eau de Cologne, un bibelot ou même une «matrioshka» russe, que lon pouvait acquérir à un prix modique en nimporte quel endroit.
Mais maintenant, si ce nest pas quelque chose dobtenu dans un magasin percevant en devises nom officiel des «shoppings» - on nest pas à la page, on nest pas apprecié dit Inès Maria qui a vu comment la fête de lEducateur sest
convertie en une véritable rivalité, pour voir qui fait le meilleur cadeau. «Il y a des parents que peuvent dépenser 20 dollars ou plus, mais pas nous.
Pour se synchroniser avec le dollar, Inès Maria a fait une tirelire et elle y jette les sous. «Je commençais à économiser presque une année avant pour que mes petits enfants ne se sentent pas mal. Mais même ce que je réussissais à réunir
ne donnait pas plus que pour un petit mouchoir ou une savonnette, puisquil y a beaucoup dinstituteurs».
Pour la Fête de lEducateur de 1999, ses petits-enfants lui ont dit: «Grand-mère, ne me donne plus de savonnettes parcequil y a des enfants dans la classe qui apportent des beaux cadeaux». Devant ce choix, Inès Maria a vendu sa meilleure paire de
chaussures. On lui a donné 20 «fulas». Elle a préparé cinq étuis, un pour chaque instituteur et un autre pour lauxiliaire de pédagogie. Pour les six présents elle a investi 18 dollars. «Les deux dollars qui sont restés jallais
les garder pour la fête des Rois.»
Mais une semaine avant le 22 décembre, la directrice de lécole dans une réunion a demandé aux parents quils apportent un ou plusieurs petits cadeaux pour les distribuer parmi les employés qui ne travaillent pas directement avec les élèves.
Ce na pas été la seule demande. Elle a aussi demandé que les mères apportent «un plat» pour la fête que les instituteurs auraient ce jour-là, après la fin de la cérémonie officielle de commémoration.
Inès Maria, albabétisatrice en 1961 et grand-mère cherche-dollars en 1999, a décidé de «ne pas me casser la tête. Jai acheté pour le cadeau collectif trois savons Bonabel à 0,25 centimes chacun et avec 0,90 centimes jai
acheté un paquet de boisson en poudre, de ceux qui font 8 litres». Avec les cinq centimes qui restaient elle a acheté un chewing-gum.
Apres tout, elle nest pas la mère, tante ou grand-mère dans la pire des situations. Inès Maria a entendu dire qu «il y a des écoles où on a demandé des cadeaux de trois à cinq dollars minimum». A tout cela il faut ajouter ce
que coûte pour un enfant daller tous les jours à lécole primaire: dun à trois pesos sont la dépense quotidienne des plus pauvres et de 10 à 20 pesos (ou ½ centime de dollar) pour les plus favorisés.
Inès Maria connaît un chauffeur de taxi particulier qui reçoit trois dollars tous les jours pour aller chercher à lécole et lemmener chez elle une élève du pré universitaire Raul Cepero Bonilla, dans le quartier 10 Octobre, La
Havane. «Dans cette école presque tous les enfants sont fils de papa et maman, personnes qui travaillent au gouvernement ou dans la zone dollar».
Ceux-là sont lexception. La majorité des parents des plus de deux millions délèves du système national denseignement doivent inventer des trucs pour que leurs enfants aillent, comme dit Inès Maria, «avec des uniformes décents
et décemment chaussés, avec quelque chose de chaud dans lestomac, un petit goûter dans la sacoche et quelque aliment, bien que ce soit un uf dur, pour renforcer le déjeuner si mauvais du réfectoire scolaire».
Elle a oublié de dire: cest quaussi la Fête de lEducateur pour pouvoir faire cadeau aux instituteurs de quelque chose acheté dans un «shopping», peu importe si le cadeau est pour le professeur de Cuba Demande, le sujet le plus récent
incorporé au programme des études de Cuba.
Traduction: Genevieve Tejera
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