Sommets pour dégringoler
LA HAVANE, juillet – Pour le peuple cubain, les sommets servent seulement à se précipiter dans le vide, bien qu'actuellement ils soient très à la mode. Si le monde se fiait dans les discours triomphants prononcés par les représentants du
gouvernement dans ces réunions, Cuba ne serait pas moins que El Dorado. J'ai vu le président cubain donner les chiffres toujours passe-partout de médecins par habitant, de maîtres d'école par habitant. Si l'on pouvait vérifier ces chiffres, ce ne serait pas
mal du tout. Seulement au sommet de Rio on n'a pas dit un mot sur les chiffres de têtes de bétail par habitant, chiffre de litres de lait par habitant, ceux de kilos de fruits et légumes par habitant, ceux de gallons d'eau potable par habitant, les kilowatts/heure par habitant,
les autobus par habitant, les kilos de céréales par habitant, la quantité de kilos de graisse comestible par habitant, la quantité d'heures de transmission de radio et télévision concédées aux entités religieuses et opposantes, le
chiffre des espaces offerts dans les journaux et revues à la presse indépendante, le nombre de prisonniers par habitant dans l'île. Le Cubain vit-il seulement de médecins et de maîtres d'école ?
Il n'y a de meilleure médecine que l'alimentation, il n'y a pas non plus de meilleure éducation que la liberté d'un peuple pour s'exprimer et défendre sa pensée. Il est plus facile de rendre responsable des carences actuelles de notre Amérique le pillage
accompli par les veilles puissances coloniales et aux échanges commerciaux inégaux établis pendant des années de rapports.
Il est très triste de reconnaître l'incapacité, la négligence et le régionalisme de nos gouvernants pendant plus d'un siècle d'indépendance, pendant lequel les dictatures ont été le modèle de gouvernement le plus saillant et où
le développement industriel et agricole a toujours été subordonné au désordre et au despotisme de tyrans opprobres qui ont empêché l'essor de la démocratie, et où tous les plans de croissance économique se sont vus assujettis aux
caprices des gloires supposées de ses libérateurs.
Cuba n'a pas été étranger à ce processus continental. Nos libérateurs ont fait tout ce qui était possible pour nous maintenir dans ce statut de tiers-monde que nous avons hérité de la métropole. En moins d'un siècle de
soi-disant indépendance nous avons souffert de plus de deux interventions militaires, de trois longs gouvernements d'autoritarisme, qui totalisent environ 66 ans de gaspillage politique et économique, et encore, nous avons l'audace d'accuser les autres de nos calamités
actuelles.
Je crois sincèrement que nos gouvernants devraient aller à ces sommets pour présenter des programmes de véritable démocratisation, où l'on libérera les potentialités individuelles pour créer les conditions d'une croissance économique
véritable et attendue au lieu de continuer à patauger dans les eaux tourbes d'un passé malheureusement irréversible.
Traduction: Genevieve Tejera
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