CUBANET

6 juillet 1999


Jeûne cubain : leçons et dangers

Manuel David Orrio, Coopérative de Journalistes Indépendants

LA HAVANE, juillet – A l'approche de la fin d'un mois dans le jeûne de 40 jours promu par la Fondation Lawton des Droits de l'Homme de Cuba, avec l'intention de faire avancer une amnistie des prisonniers politiques et de conscience, et d'obtenir le respect des droits de l'homme dans l'île, selon les standards démocratiques acceptés internationalement, il est nécessaire de faire l'analyse des leçons que ce jeûne apporte et des dangers qui guettent.

Plaise à qui le veut, déplaise à qui le veut, l'exemple des participants au jeûne de Tamarindo 34 a attiré la solidarité et fait des adeptes. D'un tout petit groupe qui en fait a commencé un processus qui peut être le ciment de luttes politiques et civiques de Cuba pour ses caractéristiques différentes de la grève de la faim, on est passé de manière spontanée à l'existence d'actes de jeûnes dans presque toutes les provinces du pays, y compris dans les prisons, avec en plus quelques personnes jeûnant à l'extérieur du pays.

Une enquête non formelle, si l'on veut, le simple fait que des personnes jeûnant à Tamarindo 34 pourraient arriver à leur quarantième jour de restriction alimentaire en possédant plus de 3 mille signatures de citoyens à faveur des requêtes promues par eux, on dit que leurs demandes d'amnistie et de respect aux droits de l'homme jouissent d'un nombre de sympathisants à l'intérieur de l'île beaucoup plus important de ce que l'on avait supposé. Un fait curieux : malgré la censure officielle effective envers Radio Marti, l'unique source que le Cubain possède pour connaître les détails du jeûne, ce journaliste a pu détecter dans les rues de la Havane la connaissance de ces faits. Fragmentaire, critiqué, mal compris, mais en tout cas connaissance.

L'un des paradoxes de ce jeûne «à la cubaine » s'exprime dans l'un des commentaires les plus entendus dans la bouche des sceptiques : pourquoi jeûner, si dans ce pays il y a un jeûne obligatoire depuis 40 ans ? Sans aucun doute, une question qui suggère un éloignement de la technique de jeûne par rapport avec la culture nationale, et pour autant, une insinuation de que cette méthode n'est pas appropriée pour la promotion de demandes politiques et civiques dans la Cuba de Fidel Castro. Mais d'autres répondent différemment : ce sont ceux qui estiment que le jeûne est préférable à l'inaction. En même temps, les prudents lancent des avertissements, en alléguant que l'attention des médias autour de ce fait pourraient tenter les autorités à augmenter une répression déjà proverbiale. Finalement, les

méfiants attirent l'attention sur le fait de savoir si le jeûne est véritable, en calculant les kilos à perdre pour chaque participant chaque jour ; en observant à la manière de Kenneth Starr si l'éclat des pupilles diminue et en commentant en chuchotant qu'ils ont vu entrer à Tamarindo 34 une partie d'un régime de plantains qui n'avait rien à voir avec l'annonce publique de ne prendre que des bouillons et des jus de fruits.

L'apparition d'un jeûne politique dans la Cuba de Fidel Castro a des racines plus profondes que ce que l'on peut imaginer puisque Cuba est une nation de chrétiens. Il y a cinquante ans, jeûner comme une promesse ou devoir de religion était une pratique quotidienne. On priait Dieu et la Vierge de la Caridad del Cobre en jeûnant. Et on remerciait d'une faveur céleste en jeûnant. S'il est vrai qu'aujourd'hui les personnes qui jeûnent réunissent des images du Mahatma Gandhi, on ne peut oublier une mémoire collective en faisant des siennes.

La question des images visibles à Tamarindo 34, comme l'on sait fait de la poussière. Quelques-uns uns ont soufflé sur des braises en signalant comme indice admonitoire l' «image du démon » présente à cet endroit : Jorje Mas Canosa. Pour les uns ce fut une preuve d'un pacte avec le Diable. Pour les autres, une erreur politique en pensant qu'une photo du leader défunt pourrait nuire au caractère d'ample consensus engendré par les demandes d'amnistie et de respect pour les droits de l'homme. Mais il y en a d'autres pour lesquels Jorge Mas Canosa a lui aussi le droit de jeûner.

Les discussions vont, les discussions viennent, peu d'analystes ont attiré l'attention sur le fait que d'accord avec une séquence logique, la voix populaire à faveur de requêtes comme celles présentées par les participants au jeûne, n'a pas cessé de crier depuis le 25 janvier historique de la Place José Marti : qu'il s'appelle journalisme indépendant, manifestations du second semestre de 1998, l'impact produit sur la population par le procès aux auteurs de La Patrie appartient à Tous ou le jeûne qui se répand comme une traînée de poudre dans tout le pays, cette voix clamante semble commencer un éloignement des pensées alternatives à la domination d'un concept profondément destructif : le départ. Ce qui comprend qu'une partie de ceux qui jeûnent ont été refusés par le programme de réfugiés politiques des Etats-Unis. Les gens peuvent s'engager dans une action déterminée en pensant à un visa. Mais il arrive souvent que l'action prenne la vie même, ce qui est reflété dans un sentiment qui vient de la Cuba profonde. Tel est l'enseignement du jeûne : il a signalé avant tout, une voie d'action. Peu importe que ce soient 40 jours ou un seul, et peu importe si c'est avec du bouillon, des jus de fruits ou de la purée de plantains bouillis. Ce qui importe c'est son caractère de précédent, de chemin obligé vers un rêve de fous : un million de cubains jeûnant un jour.

Dans un pays de tradition de violence politique comme Cuba, la présence objective du fait de jeûne invite à penser à un changement dans la conscience des personnes signalé par la recherche de chemins de requêtes et de protestations où la tension de la distension devient plus puissante que les escadrilles. Du point de vue de la tradition pacifiste, le mouvement cubain pour les droits de l'homme est déjà parvenu à la phase de documentation de l'injustice et de la formulation de requêtes. Depuis des épisodes comme celui de Concilio Cubano, il cherche sauter vers une troisième étape créatrice de tension négociatrice. Même à tâtons, n'importe qui dirait au sujet du jeûne de Tamarindo 34 : ils cherchent à sauter.

Il y a beaucoup à apprendre. Le point essentiel c'est d'assurer de manière irréfutable que les règles du jeûne promises soient strictement appliquées, ce qui implique de lui donner un caractère public où il n'y a pas le moindre doute de la véracité du sacrifice, en pleine conscience de ce qu'il ne s'agit pas de mourir de faim mais de créer cette tension négociatrice capable de conduire vers le dialogue. Une tentative pour discréditer officiellement attaquera toujours de ce coté, si cette faiblesse existe. Pour cette raison c'est le plus grand des dangers.

Entre temps, le paradoxe existe : dans un pays de jeûne, un jeûne pour protester.


Traduction: Genevieve Tejera

[ NOUVELLES ]


CubaNet ne demande pas l'exclusivité à ses collaborateurs et autorise la reproduction de ces articles, à condition de l'identifier comme en étant la source.

SECCIONES

NOTICIAS
......Prensa Independiente
......Prensa Internacional
......Prensa Gubernamental

OTROS IDIOMAS
......Español
......Inglés
......Alemán

INDEPENDIENTES
......Cooperativas Agrícolas
......Movimiento Sindical
......Bibliotecas Independientes
......MCL

DEL LECTOR
......Cartas
......Debate
......Opinión

BUSQUEDAS
......Archivos
......Búsquedas
......Enlaces

CULTURA
......Artes Plásticas
......Fotos de Cuba
......Anillas de Tabaco

CUBANET
......Semanario
......Quiénes Somos
......Informe 1998
......Correo Eléctronico