Beaucoup de bruit
pour rien
Reynaldo Cosano Alén
LA HAVANE, juillet Thomas Donohue, président de la Chambre de
Commerce des Etats-Unis, a visité le pays pendant trois jours à
partir du mercredi 14 juillet. La manière tendancieuse avec laquelle le
gouvernement de Cuba a présenté l'événement donne
l'impression que l'embargo commercial américain a ses jours comptés.
Il crée en plus les fausses expectatives d'une amélioration
prochaine des relations Washington-La Havane.
Le mauvais maniement des nouvelles mérite la réflexion.
Il semble que Monsieur Donahue soit venu très mal renseigné.
D'autre part, il n'est pas possible de penser pour qui amène dans son
programme de travail, comme point cardinal, l'exploration de la possibilité
d'accords de la Chambre de Commerce des Etats-Unis avec une entreprise privée
cubaine de la Chambre de Commerce de Cuba inexistante, que ce n'est qu'un
appendice du gouvernement castriste. Donohue est parti, mais il nous a laissé
une préoccupation : qu'il soit rentré chez lui encore plus mal
renseigné qu'en arrivant !
Il a eu des rencontres à Cuba avec des professeurs, des conseillers
du gouvernement et des étudiants en Economie et en Droit. Egalement avec
des ministres du gouvernement et six heures stoïques en écoutant
Castro. Il s'est déclaré opposé à tout genre de
sanctions économiques envers Cuba.
Nous ne savons pas comment interpréter ses mots : "maintenant je
sais beaucoup plus sur ce qui se passe à Cuba qu'avant de venir", ce
qui laisse une grande interrogatoire
De même, sur sa déclaration qu'il s'est impressionné du
nombre d'entreprises mixes et d'associations économiques étrangères
existant à Cuba.
Il suscite une plus grande confusion lorsqu'il dit : "Nous ne pouvons
pas être prisonniers du passé, il serait bien que dans le nouveau
millenium il y ait un nouvelle aurore dans les relations entre les Etats-Unis et
Cuba. Il faut dire à l'illustre représentant de la Chambre de
Commerce des Etats-Unis, qu'avec le régime actuel imposé à
Cuba, il n'y a pas de nouvelle aurore possible, à moins que monsieur
Donohue parle de (ce qui serait une vraie ironie) de la prison Nouvelle Aurore,
une des pires du pays pour sa cruauté envers les prisonnières.
Comme on le voit, le visiteur américain a cru réellement qu'il
existe ici une entreprise privée authentiquement indépendante et
une Chambre de Commerce aussi indépendante, avec lesquelles on pourrait établir
des accords entre les Chambres. Il n'y a aucun doute qu'il devrait se considérer
victime d'escroquerie. La réalité est très différente
et évidente.
A Cuba il n'y a ni petits, ni moyens, et encore moins de grands
entrepreneurs indépendants cubains.
La seule chose qui existe est une poignée de travailleurs appelés
"à leur compte", baptisés ainsi par le gouvernement qui
répugne à les appeler privés ou particuliers, qui n'auront
jamais la catégorie d'entrepreneurs.
Même si ces travailleurs à leur compte constitue un faible
embryon capitaliste, ils sont pour cela même spoliés sans miséricorde
par le gouvernement, minimisés, relégués, opprimés.
Ils ont contre eux toute une légion d'inspecteurs d'état qui les
harcèlent constamment, qui à la moindre infraction leur enlevent
leur licence d'opération, ou leur donnent des amendes aussi élevées
qu'injustes.
En ce moment, les travailleurs à leur compte se trouvent en franche
voie d'extinction, ou pour le moins en voie d'être réduits à
un nombre infime. Rendez-vous compte que de 200 mille autorisés dans tout
le pays parmi une population de onze millions il en reste
seulement 130 mille, chiffre qui continuera à décroître,
asphyxiés et tenaillés par le système, qui a peur
d'affronter une nouvelle force "opposante", silencieuse, perspicace et
vigoureuse, de producteurs et commerçants indépendants qui
pourraient rompre le fondamentalisme du gouvernement.
A ces travailleurs pour leur propre compte on ne permet aucun groupement
corporatif ou d'entreprise. Ils ne savent même pas ce qu'est une Chambre
de Commerce. La Chambre de Commerce cubaine n'existe pas pour eux, et ils
n'existent pas non plus pour elle.
Le gouvernement a favorisé il y a plusieurs années certaines
catégories de travail privé, comme un répit pour l'état
lui-même envers son inefficacité aiguë pour apporter à
la population des produits et des services urgents et absolument nécessaires.
Il y eut un certain soulagement aux pénuries du peuple. Il semblait
qu'il y aurait une ouverture au libre marché. L'illusion s'est évanouie
rapidement. Nous nous sommes convaincus que ce fut seulement un coup
opportuniste momentané du gouvernement.
Evidemment on ne peut tromper personne en sachant que derrière
monsieur Donohue, et même pas lui-même, il y a certains capitalistes
américains qui sont très intéressés à
investir à Cuba (s'ils ne le font pas déjà derrière
le rideau). Ils sont des congénères des investisseurs étrangers
qui se sont déjà appropriés le pays et qui ne s'intéressent
en rien aux souffrances et à la misère du peuple cubain, ni au
non-respect des droits de l'homme et de ses libertés existentielles.
En plus, ces capitalistes étrangers appauvrisseurs sont soumis aux
avatars des caprices d'une économie fermée par un monsieur qui la
ferme et l'entrouvre à sa guise et à sa convenance.
Une preuve, parmi tant d'autres, c'est que l'investisseur étranger
n'a pas d'accès direct au grand public consommateur, au détaillant,
dont le monopole est réservé au gouvernement avec l'objet
d'imposer des prix abusifs en devises (dollars) aux marchandises ; et pour éviter
toute concurrence à la production nationale, qui en général
de qualité douteuse ou franchement de mauvaise qualité. Sans autre
choix de produit et à des prix abusifs.
De plus, dans ces magasins spéciaux, le gouvernement relève périodiquement
les prix, sans que personne ne puisse protester de façon effective. Une
telle augmentation aboutit dans une réduction drastique des biens de
consommation, puisque le pouvoir d'achat du peuple est réduit. Celui-ci
est toujours obligé à aller dans des magasins de vente en devises
pour obtenir des produits de grande nécessité.
Il faut également mentionner que même le personnel cubain
auxiliaire des sièges diplomatiques, doit être embauché par
loi à une entreprise officielle : Cubalse.
Il faut aussi ajouter que ni le Cubain local, ni l'émigré qui
a dans ses veines du sang cubain, ne peuvent investir à Cuba, même
s'ils ont à leur disposition beaucoup de capital, ce qui est la preuve de
l'apartheid auquel nous sommes soumis nous les nationaux.
Nous, les opposant et le peuple en général, oui, nous voulons
des changements et du progrès. Nous voudrions aussi que la loi de
l'embargo américain devienne obsolète. Mais pour que tout cela
arrive il faudrait que le premier obstacle véritable disparaisse, celui
qui maintient tout le peuple de Cuba sous blocus : le système totalitaire
imposé, dépourvu de tout droit et de libertés populaires.
Ce voyage manqué aura convaincu Thomas Donohue et ses représentants
(si leur conduite a été sincère) de quel est le vrai
obstacle pour les bonnes relations Cuba-Etats-Unis qu'il désire, un
souhait qui n'est pas plus grand que le nôtre, et pourra déduire
alors de quel coté des deux rives de l'Etroit de Floride se trouve
l'obstacle insurmontable.
Traduction: Genevieve Tejera
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