Entretien avec le docteur Oscar Elías
Biscet
par Angel Pablo Polanco, Coopérative de Journalistes Indépendants
LA HAVANE, le 12 mars - Le docteur Oscar Elías Biscet González est l'adhérent
principal du conseil directeur de la Fondation Lawton pour les Droits de l'Homme, une organisation
cubaine pacifiste, dont le but principal est la défense du droit à la vie. En accord
avec cet objectif, ses adhérent sont contre l'avortement, la peine de mort et l'euthanasie.
Dans le sens le plus large ses desseins, c'est une organisation respectueuse du droit civil, qui
défend les droits de l'homme en général, et ses intégrants basent leur
lutte sur la méthode de la désobéissance civile. Le 22 février dernier,
deux de ses adhérents ont effectué une manifestation pacifique en face de l'hôpital
marterno-infantile où le docteur Biscet avait travaillé comme médecin jusqu'à
son expulsion de ce centre de travail à cause de sa position face à l'avortement et
des activités qu'il réalisait à ce sujet.
Ce jour-là, avec Migdalia Rosado, aussi adhérente de la Fondation Lawton, il fut
battu brutalement, incarcéré et accusé de délit de désordre
public. De façon inespérée, il fut mis en liberté mardi dernier,
quelques heures avant le procès prévu pour mercredi, et a aimablement accepté
cette interview.
Docteur Biscet, pourriez-vous nous dire les buts de la manifestation du 22 février, et
donner des détails, peut-être inédits de ce qui se passa ce jour-là ?
OEB: Le 22 février nous nous sommes donnés rendez-vous en face de Filles de
Galicia, l'hôpital materno-infantile de la municipalité 10 de Octubre, qui se trouve à
Luyanó, pour honorer la mémoire de quatre jeunes pilotes de Frères à la
Rescousse assassinés par le gouvernement castriste, et les milliers de victimes qui sont
assassinées dans les hôpitaux de maternité du pays, desquels nous avons comme
exemple ce même hôpital Filles de Galicien. Nous avons pu vérifier, avec le témoignage
des mères, que dans cet endroit ils ont assassiné sept enfants qui sont nés
vivants et furent assassinés. Quelques uns ont été noyés dans l'eau,
d'autres avec du papier, et d'autres en leur coupant le cordon ombilical et les laissant perdre le
sang.
Nous avons fait cette manifestation parce que nous disons que la vie et la liberté est
l'essence de Dieu dans l'homme, et pour cette raison nous luttons pour que ces principes soient
respectés et soient intégrés à la société cubaine, pour
que nous éradiquions la violence sociale. Toutefois nous devons commencer à éradiquer
la violence personnelle, pour pouvoir éradiquer la violence nationale, et ensuite la violence
qui existe dans le monde entier. Si nous ne commençons pas par nous-mêmes, pour
l'individu, nous ne pourrons jamais en terminer avec la violence. C'est pour cela que nous avons
effectué cette manifestation, pour soutenir ces principes.
APP: Docteur, nous croyons savoir que la foule vous a donné des coups pendant cette
manifestation. Vous pourriez nous dire quels ont été vos sentiments á ce
moment-là, en voyant cette agression brutale à votre égard ?
OEB: Ce jour-lá, Migdalia Rosado et moi étions en face de hôpital avec
plusieurs pancartes, quelques unes desquelles portaient des photos des jeunes assassinés et
des inscriptions qui disaient "Activistes des droits de l'homme assassinés le 24 février
1996". Une autre pancarte disait "En mémoire de ces frères et de leur oeuvre
humanitaire". D'autres disaient "Non à l'avortement, un crime contre l'humanité",
"Avortement, assassinat d'enfants", "Non à la peine de mort" et "justice".
Nous étions assis et la foule du Parti Communiste est venue, avec en tête la
directrice de hôpital, le docteur Laura Fernández Fernández et le docteur Nauma
Silva Leal. Ils nous ont arraché violemment les pancartes et ont commencé à
nous donner des coups. En réalité c'était dirigé par le G-2, c'est-à-dire
la police politique.
Mon sentiment envers ces personnes à ce moment-là fut qu'elles sont victimaires
maintenant, mais sont seulement victimes du système qui me frappait brutalement, mais en vérité
je n'ai pas senti de haine envers eux pour leur qualité de victimes. Je pense qu'un jour
viendra où ils se repentiront du mal qu'il m'ont fait à moi et à Migdalia, mais
je n'ai aucune rancoeur envers aucun d'eux.
APP: Docteur, nous voudrions que vous nous expliquiez la manière avec laquelle la police
politique vous fit savoir que vous étiez libre, et quel motif y eut-il pour cette décision
inattendue.
OEB: Bien, après avoir été enfermé 16 jours dans une cellule murée,
une cellule de châtiment, ils me prévinrent que j'avais une visite. Il s'agissait de
l'avocat que mon épouse avait retenu pour qu'il me défende au procès. Ce fut
une grand joie, puisque au moins je savais ce qu'ils allaient faire avec moi, c'est-à-dire,
que le lendemain le procès allait commencer.
Cependant, environ quinze minutes après avoir terminé de parler avec mon avocat,
ils m'ont fait sortir de nouveau de la cellule et m'ont transféré de la caserne de 100
et Aldabó à une maison aux environs de la ville, où des membres de la police
politique me communiquèrent que je n'allais pas être jugé, que j'allais être
mis en liberté, mais que ce n'était pas parce qu'ils étaient bienveillants, à
quoi je répondis qu'il n'avaient pas besoin de le clarifier, puisque je les connaissais bien.
Ce fut également une surprise pour moi, parce que nous avons fait cette manifestation en
pensant qu'on allait nous condamner à 30 ans de prison, mais nous avions décidé
que nous ne laisserions pas mourir cette petite flamme de liberté qui s'est allumée
parmi le peuple cubain, qu'au contraire il fallait la maintenir. Nous avons décidé de
mener à bien cette action puisqu'elle était programmée depuis quelques mois et
nous pensions qu'il fallait réaliser ce qui avait été projeté. Dans ce
cas, comme beaucoup d'autres personnes avaient peur et pensaient laisser ce labeur, nous avons décidé
de montrer l'exemple pour continuer la lutte malgré les lois arbitraires qui existent. Nous
ne devons pas nous y soumettre et devons exiger, par la lutte civique non violente, que ce genre de
procédé arbitraire cesse.
APP: Pendant son incarcération, des faits importants ont eu lieu, comme le procès
contre les signataires du document La Patrie appartient à Tous, et la détention de
plus de cent journalistes indépendants et opposants pacifiques. J'aimerais que vous nous
racontiez si étant en prison vous avez reçu des renseignements sur ces faits.
OEB: Eh bien, étant en prison vous savez qu'il ne permettent pas d'y recevoir des
journaux. Ce sont des mesures arbitraires. Même les gouvernants de ce pays, quand ils étaient
en prison pendant leur lutte, de cela il y a 40 ans, ils avaient la permission d'avoir des livres et
même de faire la cuisine dans leur cellule, ce qui ne nous est pas permis, ce qui rend évident
que nous sommes dans des conditions infra humaines. Bien qu'ils disent qu'ils s'en tiennent aux
droits de l'homme, ils violent tous nos droits, même en prison, dans cet endroit aussi écarté
que sont les cellules murées de 100 et Aldabó.
J'ai eu la chance qu'un prisonnier qui venait de la rue a été placé dans ma
cellule, et m'a raconté qu'ils avaient fait un procès aux quatre de La Patrie
appartient à Tous. Et aussi quelque chose qui fut une grand surprise pour moi et qui me
produisit une grande émotion, fut que cette même personne me raconta: que les Frères
à la Rescousse avaient lancé sur la ville des milliers de bulletins et que quelques
uns étaient tombés à 100 et Aldabó. Ceci me donna une grande joie et de
la force pour continuer à résister en prison.
APP: La Loi de Protection de l'Indépendance Nationale et de l'Economie de Cuba sera mise
en vigueur prochainement. Quelle est votre opinion sur la loi, et la position de la Fondation Lawton
des Droits de l'Homme en relation avec elle ?
OEB: La majeure partie des lois décrétées par le gouvernement communiste de
Cuba sont des lois arbitraires, principalement cette dernière, qui méprise et supprime
tous les droits que possède l'être humain pour s'exprimer; elle limite complètement
les libertés de l'individu et démontre une fois de plus que c'est un régime
brutal qui depuis 40 ans viole les droits du peuple cubain.
Mon opinion est que nous ne devons pas y obéir et continuer à lutter pour arriver à
la vraie indépendance. Le prêtre Félix Varela disait que l'indépendance
et la liberté nationale sont filles de la liberté individuelle. Cette liberté
individuelle c'est le respect des droits de l'homme. Tandis qu'il n'y a pas de respect pour les
droits de l'homme, une nation n'existe pas véritablement.
APP: Docteur Biscet, nous vous sommes reconnaissants pour cet entretien. Vous désirez
ajouter quelque chose sur la situation actuelle du pays ?
OEB: Je voudrais ajouter que nous invitons toute l'opposition, tous les activistes des droits de
l'homme, tous les dissidents, tous ceux qui veulent lutter pour l'établissement à Cuba
d'un régime de droit, à s'unir à nous dans cette lutte par l'intermédiaire
de la désobéissance civile non violente.
Traduction: Genevieve Tejera
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