Lettre à la ville de La Havane
Ramon Diaz-Marzo, journaliste indépendant
LA HAVANE, le 29 novembre Chère ville: Le temps touche à sa fin, parce quune grande catastrophe va arriver si des mesures préventives ne sont pas prises. Depuis ma tranchée, comme écrivain de lettres, je ferai tout ce qui me sera possible. Il faut
réveiller lopinion publique. Si dans les mois qui viennent personne ne soccupe de toi, il y aura des morts. Il est vrai que les «mayimbes» (dirigeants) de la révolution nont jamais remué un seul doigt pour toi. Mais ne les juges pas, ville, ce na
pas été pour oubli ou négligence. Je suis sûr quils auraient aimé te donner lentretien nécessaire. Mais la façon centralisée avec laquelle le pouvoir est conçu à Cuba fait que les meilleures intentions tombent toujours
par terre.
Ville de mes songes qui ne reviendront jamais, ce fut agréable cette fois-là au début de la révolution, lorsque des milliers de tes bâtiments anciens furent déclarés libres de loyer parce que la réforme urbaine qui commençait en avait
décrété lusufruit gratuit; mais pendant ces jours de liesse personne nimaginait que tout bien est causé par un mal. Bientôt ces bâtiments, parce quils navaient pas de propriétaires, ont été abandonnés aux méchancetés
du diable. Il est vrai que pendant quelques années le pouvoir populaire avait créé les emplois de gérant, auxiliaire de propreté, et employé dascenseurs. Mais un mauvais jour toutes ces places ont commencé à disparaître, et les
vieux bâtiments se sont précipités vers la détérioration et, un à un, de temps en temps, ils se sont effondrés quand il pleut un peu plus, ou quand le vent souffre avec une furie de cyclone.
Il est possible, ville, que tu penses que je me moque de toi parce que je técris cette lettre avec la quasi-certitude que le gouvernement ne pourra rien faire pour te sauver. Ou que tu sois jalouse parce que lon se préoccupe pour les gens qui thabitent. Mais cest
que dans la Vieille Havane il y a beaucoup denfants, et ce serait un crime que de se taire en permettant quils meurent dans de futurs éboulements.
Chère ville, tes probabilités de survivre sont peu nombreuses. Tu es la capitale dun pays où la propriété privée a été abolie, et si tu disparais de la carte, parce quils tont convertie en parc ou en une cafétéria
en plein air, personne ne sera responsable. Dans cette île ce qui est important nest pas ce qui est nécessaire, mais les discours, les congres, les Sommets, et tout ce qui contribue à renforcer le discours officiel.
En espérant que les mauvaises choses que jai écris dans cette lettre soient seulement les élucubrations de qui técrit, je te dis aurevoir, en tembrassant très fort, ton ami Leandro.
Traduction: Genevieve Tejera
[
NOUVELLES ]
CubaNet ne demande pas l'exclusivité à ses collaborateurs et autorise la reproduction de ces articles, à condition de l'identifier comme en étant la source. |